Numérique : le paradoxe des jeunes
- Nelly Lambert
- 9 sept.
- 2 min de lecture

Ils passent des heures sur TikTok, Instagram ou YouTube, mais peinent à utiliser les compétences bureautiques attendues dans le monde professionnel. Zoom sur un phénomène plus courant qu’on ne le pense.
A l’occasion d’une interview préparatoire à l’animation d’une table-ronde, quelle n’a pas été ma surprise d’entendre un cadre de groupe industriel du territoire comparer les jeunes aux seniors s’agissant de leurs compétences numériques : « Ils sont experts en tablettes et smartphones, mais ont peu utilisé l’ordinateur et ils ne sont donc pas forcément plus à l’aise que ceux qui sont en fin de carrière » m’a-t-il ainsi affirmé.
Interpellée par cette assertion, j’ai cherché à recueillir d’autres retours d’expérience et en effet : plusieurs managers et dirigeants m’ont confirmé ce qui me paraissait a priori contre-intuitif : l’exposition permanente des “digital natives” aux écrans ne garantit en rien la maîtrise des compétences numériques utiles aux entreprises.
Selon la plateforme spécialisée dans les publications scientifiques francophones Caïrn, le mythe des digital natives serait même un concept inadéquat : « ce sont en réalité les plus de 40 ans qui présentent les caractéristiques les plus proches de celles prêtées d’ordinaire aux digital natives. Nés à une époque où les outils étaient de prise en main bien plus complexes, ils ont dû (…) “entrer dans la machine“ pour pouvoir se servir des premiers ordinateurs domestiques, et ont prolongé ce rapport aux technologies en vieillissant. »
« Aujourd’hui encore, le niveau d’études, la situation géographique ou socio-économique ou les appartenances communautaires sont des déterminants plus essentiels que les mœurs », persiste et signe Caïrn.
Halte donc aux raccourcis médiatiques qui masquent une réalité : celle d’une fracture numérique qui existe (ou persiste) pour toutes les générations. Ainsi, « près de 60 % des actifs ne maîtrisent pas les usages numériques de base » selon une récente étude réalisée par le groupement d'intérêt public Pix. 20 % des actifs sont en grande difficulté, rencontrant des difficultés avec les pratiques élémentaires (télécharger un document, naviguer dans une arborescence) et 42 % ont un niveau débutant : ils savent mettre en forme un texte ou organiser des fichiers, mais leur maîtrise limitée des outils collaboratifs réduit leur capacité à travailler en équipe.
« Ce déficit de compétences numériques qui affecte les TPE et PME exige de leur part un réel effort d'investissement pour former leurs salariés » afin d’atteindre un niveau opérationnel, relève le Portail gouvernemental de la transformation numérique des entreprises dans un article.
Autre particularité concernant les jeunes : la formation doit aussi lier compétences numériques et compétences comportementales (soft skills et digital skills). Car s’il est utile de savoir utiliser Excel, encore faut-il savoir travailler en équipe, communiquer et gérer un projet…
Si les jeunes apprennent mieux quand la formation est pratique, intégrée à leurs missions (via des micro-formations notamment), plutôt que lors de sessions théoriques, l’“apprentissage sur le tas” reste néanmoins sous-utilisé, notamment par les TPE, regrette la chercheuse Catherine Bissey (Tribune dans Le Monde). Dans ce domaine comme dans d’autres, il pourrait sans doute s’avérer judicieux d’avoir une approche plus collaborative au sein des entreprises…
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